Difference between revisions of "Projects:Wikified Colonial Botany"

From DiVersions
Jump to navigation Jump to search
(Close reading)
Line 51: Line 51:
 
=== Close reading ===
 
=== Close reading ===
  
Text on the project written by Anne Laforet goes here.
+
Lorsque les arbres organiques rencontrent l'arbre binaire d'Anaïs Berck interroge le savoir sur les arbres tel qu'il apparaît dans des versions linguistiques de l'encyclopédie en ligne Wikipédia et la base de données structurées Wikidata.
 +
 
 +
Pour l'exposition DIVersions en 2019, Anaïs Berck a développé La Botanique Coloniale Wikifiée qui comparait les articles Wikipédia (de plusieurs versions linguistiques) consacrés à des arbres symboliques de la colonisation européenne du monde. Ce projet mettait en relief la façon dont les arbres ont été l'objet d'appropriations par les puissances coloniales européennes, à travers l'exploitation des ressources des territoires colonisés ainsi que des savoirs par des opérations de recodage (nouveaux noms choisis à partir du latin et entrée dans la taxonomie existante de Linné). Cette exploitation économique et scientifique des plantes a eu lieu autant dans les pays colonisés que dans les pays colonisateurs, que ce soit dans la plantation ou le jardin botanique. Le choix des arbres de La Botanique Coloniale Wikifiée en était le reflet. Avec Lorsque les arbres organiques rencontrent l'arbre binaire, Anaïs Berck continue cette recherche en l'étendant à l'ensemble des arbres et à toutes les versions linguistiques de Wikipédia. L'analyse qualitative de La Botanique Coloniale Wikifiée laisse place à l'analyse quantitative et à la génération de graphes à partir des données hiérarchisées sous forme d'arborescence. Dans sa recherche, Anaïs Berck met en dialogue les arbres organiques et la manière dont ils ont servi de modèle à une structure algorithmique d'arbres hiérarchisée, se déployant de haut en bas, à l'inverse des arbres que l'on rencontre dans les environnements interdépendants que sont les forêts.
 +
 
 +
Le projet se présente sous la forme de graphes qui visualisent le nombre de genres et d'espèces d'arbres dans la plupart des versions linguistiques de Wikipédia. À partir d'un tronc commun à tous les graphes, chaque article d'un genre d'arbres (par exemple, Acacia) génère une branche, et chaque article d'une espèce (comme Acacia mathuataensis) créée une sous-branche. La présence d'articles consacrés à des sous-espèces génère des bifurcations supplémentaires. Ces graphes qui évoquent des fougères sont composés à partir de données scrapées depuis Wikipédia et Wikidata, c'est-à-dire récupérées automatiquement à partir de scripts. Wikipédia et Wikidata sont deux projets de la Fondation Wikimedia dont les données sont imbriquées, Wikidata est la base de données relationelles centralisée qui est reliée aux différentes versions linguistiques de l'encyclopédie Wikipédia (par exemple, Wikidata permet l'automatisation d'informations comme les liens interlangues, c'est-à-dire les liens entre les articles sur un même sujet dans des langues différentes, qui sont l'une des informations scrapées par ce projet). Le projet encyclopédique, par la synthèse de tous les savoirs, sous-entend un point de vue surplombant, bien que camouflé par l'argument de la neutralité, et Wikidata inscrit dans sa structure une hiérarchie des savoirs, où chaque élément a sa place, avec un identifiant propre qui permet de le distinguer des autres. Malgré les potentialités de Wikipédia et Wikidata comme projets libres ouverts aux contributeur·rices du monde entier, hors des institutions traditionnelles gestionnaires du savoir et du pouvoir, leurs actions de nommer, dénombrer et organiser les placent en continuité du projet colonial de capture et d'exploitation du vivant (les données de Wikipédia et de Wikidata devenant aussi des ressources à exploiter dans l'environnement numérique, comme dans des applications d'apprentissage automatique, en particulier pour des usages linguistiques).
 +
 
 +
Lorsque les arbres organiques rencontrent l'arbre binaire expose l'infrastructure de Wikipédia, et donne à voir les disparités et les similitudes de ses versions par langue. Les graphes peuvent être affichés par langue ou nombre d'articles. Le projet permet d'observer que les Wikipédia des langues européennes les plus parlées ont le plus grand nombre d'articles sur les arbres, mais parmi elles, les versions en latin (la première sur la liste), en bulgare, en asturien sont très fournies (alors que ces Wikipédia comportent une centaine de milliers d'articles chacune, contre 2 millions d'articles environ pour les versions française et néerlandaise et plus de 6 millions pour la version en anglais). Ces fougères comportent des branches et sous-branches, les genres et espèces d'arbres semblant complets, ou presque, en conformité avec la hiérarchie des classifications des plantes. Elles forment un contraste avec les brins d'herbe brisés représentant les versions linguistiques avec peu d'articles consacrés aux arbres, comme par exemple Wikipédia en twi (qui comporte en tout 700 articles). Le projet ne permet pas d'avoir accès depuis un graphe aux articles sur les arbres (alors qu'il est possible d'afficher les articles par langues par nom d'arbre), et donc le projet amène à faire spéculer chaque internaute sur les arbres que l'on trouve dans chaque Wikipédia : est-ce que ce sont des arbres présents (natifs ou importés) dans les zones linguistiques de cette version de l'encyclopédie ? Est-ce que les articles sont écrits à partir de sources dans ces langues et non dans des langues hégémoniques ? Est-ce que les articles incluent des savoirs situés, encorporés ? Quelle place ont les arbres dans cette langue ?
 +
 
 +
L'herbier que nous propose Anaïs Berck permet de saisir partiellement les enchevêtrements entre les savoirs, leurs généalogies et leurs liens de dépendance aux pouvoirs, et ce qu’ils produisent matériellement dans des systèmes numériques automatisés. Ainsi, l'arbre, tout à la fois organique, singulier et binaire, comme la cyborg de Donna Haraway, entaille les classifications, permet la greffe pour une lecture-écriture par versions successives ouverte à la pluriversalité et à la friction.
  
 
<small>Anne Laforet, October 2020</small>
 
<small>Anne Laforet, October 2020</small>

Revision as of 11:42, 14 October 2020


Anaïs Berck

v2: 25.06.2020

When organic trees meet the data tree

di.versions.space/when-organic-trees-meet-the-data-tree

Wikipedia and Wikidata are used worldwide to train language software, such as translation apps and autocomplete functions in search engines. Wikipedia and Wikidata data is accessible and free of charge, the information is up-to-date and exists in many different languages.

When organic trees look for how they are represented in these databases, cultural and power structures become visible. This work makes it clear, for example, that not all languages are present in the same way. Moreover, the search term tree leads to individual trees, such as the chestnut tree that grew next to Anne Frank's house. Whereas even a child can easily point to a tree in physical life, the concept of a tree is a challenge for programmers in the digital world.

This is the result of the classification culture that prevailed in the 18th century, and more specifically of the Swedish physician and scientist Carl Linnaeus. His classification system lies at the basis of contemporary botanical nomenclature. A tree is non-existent in this nomenclature, in the belief that any plant can potentially grow into a tree, depending on the climate in which it is located.

'When organic trees meet the data tree' gives a voice to trees, algorithms and people. Their visual stories give a critical view on the creation process of apps and other software we use on a daily basis.

  • Realisation: Anaïs Berck, Gijs de Heij
  • Trees: all species belonging to the families defined on Wikipedia
  • Code: Python, Sparqle, Turtle, Jinja, Imagemagick
  • Collections: Wikidata, Wikipedia

A conversation with Anaïs about the two versions of this project recorded in June 2020

Tree.png

v1: 10.10.2019

Wikified Colonial Botany

Wikified Colonial Botany is a proposal to look for otherness in the online encyclopedia Wikipedia and its structural referent Wikidata. The otherness in this work is represented by trees. These other-than-human beings are an essential part of colonial histories, as there existed an intimate relationship between botanical science, commerce and state politics. As Londa Schiebinger and Claudia Swan state in their book Colonial Botany, ‘colonial endeavours moved plants and knowledge of plants promiscuously around the world’.

Non-western trees were not only moved during that period, they were also renamed by Europeans, using Linnaeus’ classification system. These Latin names are still the global standard today. Their medicinal, edible and material uses were commodified. Botanical gardens were created worldwide as part of the colonial economic exploration policy.

Wikipedia is the most used online source for facts. It is multilingual, daily updated and freely available. Its pages are analysed and added as structural data in Wikidata. This data and all Wikipedia texts are worldwide an important source for developing and training new software's that co-shape our world.

Wikified Colonial Botany shows how Wikipedia and Wikidata represent some major trees originating from different continents. By looking at their quantitative and qualitative descriptions in different languages, Wikified Colonial Botany hopes to give a sense of how the representation of these other-than-human beings is dependent on perspectives and global relationships.

  • Code for this project
  • Tools: Python, Gimp, Scribus
  • Inspiration: Visits to the Botanical Gardens of Bali, Singapore, Kuala Lumpur, Meise.
  • References: Londa Schiebinger & Claudia Swan, Colonial Botany, University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 2007; Patricia Fara, Sex, Botany and Empire, Icon Books, London, 2017; Guy De Kinder, ABC van het plantenlatijn: betekenis van botanische namen, Guy De Kinder, Melle, 2010.
  • Collections: Wikidata, Wikipedia
Plantkunde 01.JPG
Plantkunde 02.JPG

Close reading

Lorsque les arbres organiques rencontrent l'arbre binaire d'Anaïs Berck interroge le savoir sur les arbres tel qu'il apparaît dans des versions linguistiques de l'encyclopédie en ligne Wikipédia et la base de données structurées Wikidata.

Pour l'exposition DIVersions en 2019, Anaïs Berck a développé La Botanique Coloniale Wikifiée qui comparait les articles Wikipédia (de plusieurs versions linguistiques) consacrés à des arbres symboliques de la colonisation européenne du monde. Ce projet mettait en relief la façon dont les arbres ont été l'objet d'appropriations par les puissances coloniales européennes, à travers l'exploitation des ressources des territoires colonisés ainsi que des savoirs par des opérations de recodage (nouveaux noms choisis à partir du latin et entrée dans la taxonomie existante de Linné). Cette exploitation économique et scientifique des plantes a eu lieu autant dans les pays colonisés que dans les pays colonisateurs, que ce soit dans la plantation ou le jardin botanique. Le choix des arbres de La Botanique Coloniale Wikifiée en était le reflet. Avec Lorsque les arbres organiques rencontrent l'arbre binaire, Anaïs Berck continue cette recherche en l'étendant à l'ensemble des arbres et à toutes les versions linguistiques de Wikipédia. L'analyse qualitative de La Botanique Coloniale Wikifiée laisse place à l'analyse quantitative et à la génération de graphes à partir des données hiérarchisées sous forme d'arborescence. Dans sa recherche, Anaïs Berck met en dialogue les arbres organiques et la manière dont ils ont servi de modèle à une structure algorithmique d'arbres hiérarchisée, se déployant de haut en bas, à l'inverse des arbres que l'on rencontre dans les environnements interdépendants que sont les forêts.

Le projet se présente sous la forme de graphes qui visualisent le nombre de genres et d'espèces d'arbres dans la plupart des versions linguistiques de Wikipédia. À partir d'un tronc commun à tous les graphes, chaque article d'un genre d'arbres (par exemple, Acacia) génère une branche, et chaque article d'une espèce (comme Acacia mathuataensis) créée une sous-branche. La présence d'articles consacrés à des sous-espèces génère des bifurcations supplémentaires. Ces graphes qui évoquent des fougères sont composés à partir de données scrapées depuis Wikipédia et Wikidata, c'est-à-dire récupérées automatiquement à partir de scripts. Wikipédia et Wikidata sont deux projets de la Fondation Wikimedia dont les données sont imbriquées, Wikidata est la base de données relationelles centralisée qui est reliée aux différentes versions linguistiques de l'encyclopédie Wikipédia (par exemple, Wikidata permet l'automatisation d'informations comme les liens interlangues, c'est-à-dire les liens entre les articles sur un même sujet dans des langues différentes, qui sont l'une des informations scrapées par ce projet). Le projet encyclopédique, par la synthèse de tous les savoirs, sous-entend un point de vue surplombant, bien que camouflé par l'argument de la neutralité, et Wikidata inscrit dans sa structure une hiérarchie des savoirs, où chaque élément a sa place, avec un identifiant propre qui permet de le distinguer des autres. Malgré les potentialités de Wikipédia et Wikidata comme projets libres ouverts aux contributeur·rices du monde entier, hors des institutions traditionnelles gestionnaires du savoir et du pouvoir, leurs actions de nommer, dénombrer et organiser les placent en continuité du projet colonial de capture et d'exploitation du vivant (les données de Wikipédia et de Wikidata devenant aussi des ressources à exploiter dans l'environnement numérique, comme dans des applications d'apprentissage automatique, en particulier pour des usages linguistiques).

Lorsque les arbres organiques rencontrent l'arbre binaire expose l'infrastructure de Wikipédia, et donne à voir les disparités et les similitudes de ses versions par langue. Les graphes peuvent être affichés par langue ou nombre d'articles. Le projet permet d'observer que les Wikipédia des langues européennes les plus parlées ont le plus grand nombre d'articles sur les arbres, mais parmi elles, les versions en latin (la première sur la liste), en bulgare, en asturien sont très fournies (alors que ces Wikipédia comportent une centaine de milliers d'articles chacune, contre 2 millions d'articles environ pour les versions française et néerlandaise et plus de 6 millions pour la version en anglais). Ces fougères comportent des branches et sous-branches, les genres et espèces d'arbres semblant complets, ou presque, en conformité avec la hiérarchie des classifications des plantes. Elles forment un contraste avec les brins d'herbe brisés représentant les versions linguistiques avec peu d'articles consacrés aux arbres, comme par exemple Wikipédia en twi (qui comporte en tout 700 articles). Le projet ne permet pas d'avoir accès depuis un graphe aux articles sur les arbres (alors qu'il est possible d'afficher les articles par langues par nom d'arbre), et donc le projet amène à faire spéculer chaque internaute sur les arbres que l'on trouve dans chaque Wikipédia : est-ce que ce sont des arbres présents (natifs ou importés) dans les zones linguistiques de cette version de l'encyclopédie ? Est-ce que les articles sont écrits à partir de sources dans ces langues et non dans des langues hégémoniques ? Est-ce que les articles incluent des savoirs situés, encorporés ? Quelle place ont les arbres dans cette langue ?

L'herbier que nous propose Anaïs Berck permet de saisir partiellement les enchevêtrements entre les savoirs, leurs généalogies et leurs liens de dépendance aux pouvoirs, et ce qu’ils produisent matériellement dans des systèmes numériques automatisés. Ainsi, l'arbre, tout à la fois organique, singulier et binaire, comme la cyborg de Donna Haraway, entaille les classifications, permet la greffe pour une lecture-écriture par versions successives ouverte à la pluriversalité et à la friction.

Anne Laforet, October 2020